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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

Au milieu de ce dévergondage et des atrocités de la terreur, on vit se produire un phénomène assez étrange : l’engouement pour les pièces dirigées contre la superstition et la tyrannie, marcha de front avec un goût très-vif pour les comédies sentimentales et les fadaises pastorales.

À la chute de Robespierre, la réaction dramatique, dont la belle pièce de Laya, l’Ami des Lois, avait donné le signal, éclata avec une force nouvelle[1]. L’Intérieur des Comités révolutionnaires, par Ducancel, joué au mois d’avril 1795, fit voir combien l’esprit public était changé, et avec quelle énergie la conscience de la nation réprouvait les excès qu’elle avait eu l’inconcevable lâcheté de subir. Au Grand-Opéra, à l’Opéra-Comique, aux Français, on pouvait se croire transporté dans les jours les plus paisibles du dix-huitième siècle. « On y retrouvait, dit Nodier, les lamentables rois des bicoques du Péloponèse, les sémillants marquis de l’Œil-de-bœuf, et ce fripon de Lafleur, comparses éternels des drames classiques, tant soit peu dépaysés dans une société mutilée et sans formes, où il n’y avait plus de valets, plus de maîtres, plus de marquis et plus de rois. C’étaient toujours Blaise et Colin, chargés de fleurs artificielles et chamarrés de rubans, qui soupiraient mollement les ariettes doucereuses de Dalayrac et les couplets sucrés de Demoustier[2]. » Ainsi, la révolution qui avait changé tant de choses, fut stérile pour le théâtre, et l’on peut dire encore, avec Nodier, qu’il n’existe pas dans l’histoire de l’art une époque où il soit resté plus inertement stationnaire, plus éloigné de l’esprit d’innovation, plus fidèle aux règles et aux exemples des classiques.

La génération dramatique qui grandit sous le consulat, et se continua sous l’empire et dans les premières années de la restauration, doit occuper dans notre répertoire du second ordre un rang distingué. Picard, Alexandre Duval, Étienne, Roger, dans la comédie de mœurs et de caractère ; Lemer-

  1. Voir sur le tumulte et les débats très-vifs auxquels donna lieu la représentation de l’Ami des Lois, l’article Laya, de M. Martin Doisy, dans la Biographie universelle.
  2. Nodier, Souvenirs de la Révolution et de l’Empire. Paris, Charpentier, 1850, t. I, p. 382 et suiv.