Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/419

Cette page n’a pas encore été corrigée

Madame, avec quel front faut-il que je m’avance,
Quand je viens vous offrir l’odieuse présence…

Done Elvire
Prince, ne parlons plus de mon ressentiment :
Votre sort dans mon âme a fait du changement,
Et par le triste état où sa rigueur vous jette
Ma colère est éteinte, et notre paix est faite.
Oui, bien que votre amour ait mérité les coups
Que fait sur lui du Ciel éclater le courroux,
Bien que ses noirs soupçons aient offensé ma gloire
Par des indignités qu'on aurait peine à croire,
J'avouerai toutefois que je plains son malheur
Jusqu'à voir nos succès avec quelque douleur,
Que je hais les faveurs de ce fameux service
Lorsqu'on veut de mon cœur lui faire un sacrifice,
Et voudrais bien pouvoir racheter les moments
Où le sort contre vous n'armait que mes serments.
Mais enfin vous savez comme nos destinées
Aux intérêts publics sont toujours enchaînées,
Et que l'ordre des Cieux, pour disposer de moi,
Dans mon frère qui vient me va montrer mon roi.
Cédez comme moi, Prince, à cette violence
Où la grandeur soumet celles de ma naissance ;
Et si de votre amour les déplaisirs sont grands,
Qu'il se fasse un secours de la part que j'y prends,
Et ne se serve point contre un coup qui l'étonne
Du pouvoir qu'en ces lieux votre valeur vous donne :
Ce vous serait sans doute un indigne transport
De vouloir dans vos maux lutter contre le sort ;
Et lorsque c'est en vain qu'on s'oppose à sa rage,
La soumission prompte est grandeur de courage.
Ne résistez donc point à ses coups éclatants,
Ouvrez les murs d'Astorgue au frère que j'attends,
Laissez-moi rendre aux droits qu'il peut sur moi prétendre
Ce que mon triste cœur a résolu de rendre ;
Et ce fatal hommage, où mes vœux sont forcés,
Peut-être n'ira pas si loin que vous pensez.

Dom Garcie