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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

par le pathétique fade ; Palissot, par le scandale des personnalités. Avec Lanoue, Laujon, l’abbé de Voisenon, Dorat, elle ne s’élève plus au-dessus du badinage. Les théâtres de musique font oublier les théâtres littéraires. Collé, Panard, Favart, Vadé, Sallé, Fagan, Moncrif, Sedaine, à l’Opéra-Comique ; Fontenelle, Dauchet, Duché, Campistron, Lamotte, Marmontel, Bernard, à l’Académie Royale de Musique, donnent une foule de libretti, dont les noms sont à peine connus de nos jours, et qui, au moment même de leur apparition, durent leur vogue et leur succès, non aux paroles, mais à la musique qui les accompagnait.

Un genre nouveau, le drame, sous le nom de comédie bourgeoise, fit, avec l’école encyclopédique, son avénement sur notre théâtre. Diderot, qui en traça la poétique, joignit l’exemple au précepte dans le Père de Famille et le Fils naturel. Il eut entre autres pour imitateurs, d’Arnaud Baculard, madame de Graffigny, Saurin, Mercier, Fenouillot de Falbert et Beaumarchais. Né de l’imitation de la littérature anglaise et de la prédication philosophique, le drame, quoique fort goûté de la foule, trouva de rudes censeurs dans quelques critiques contemporains. Grimm l’accusa d’être atroce, extravagant, sans originalité, et cette accusation est à noter, parce qu’elle fut, de nos jours, à propos de la révolution romantique, renouvelée dans les mêmes termes.

Quoique obstinément attachée à la tradition racinienne, la tragédie devint faussement classique. Lagrange-Chancel, Campistron, Lefranc de Pompignan, Longepierre, Lemierre, Poinsinet de Sivry, sont plutôt des dramaturges que des poëtes. Lamotte, en voulant rajeunir la tragédie, ne fait qu’abaisser son niveau. Debelloy en substituant des Français aux Grecs et aux Romains, ne sort pas du vieux cadre, et n’introduit sur la scène que des nouveautés de costume. Lafosse, Guimond de Latouche, Crébillon, trouvent encore des inspirations brillantes ; mais il n’y a là que des éclairs, et Crébillon lui-même, dans ses pièces les plus vantées, se rapproche de Sénèque bien plus que de Sophocle. Le seul poëte dramatique à cette date, le seul novateur, c’est Voltaire. Avec un style tout différent de Corneille et de Racine, il se montre un admirable écrivain. Il rencontre jusque dans ses