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C’est de flatter toujours le faible de leur cœur :
D’applaudir en aveugle à ce qu’ils veulent faire,
Et n’appuyer jamais ce qui peut leur déplaire ;
C’est là le vrai secret d’être bien auprès d’eux,
Les utiles conseils font passer pour fâcheux,
Et vous laissent toujours hors de la confidence,
Où vous jette d’abord l’adroite complaisance.
Enfin on voit partout que l’art des courtisans
Ne tend qu’à profiter des faiblesses des grands ;
À nourrir leurs erreurs, et jamais dans leur âme,
Ne porter les avis des choses qu’on y blâme.

Élise
Ces maximes un temps leur peuvent succéder ;
Mais il est des revers qu’on doit appréhender.
Et dans l’esprit des grands qu’on tâche de surprendre,
Un rayon de lumière à la fin peut descendre,
Qui sur tous ces flatteurs venge équitablement,
Ce qu’a fait à leur gloire un long aveuglement.
Cependant je dirai que votre âme s’explique
Un peu bien librement sur votre politique ;
Et ses nobles motifs, au Prince rapportés,
Serviraient assez mal vos assiduités.

Dom Lope
Outre que je pourrais désavouer, sans blâme,
Ces libres vérités sur quoi s’ouvre mon âme ;
Je sais fort bien qu’Élise a l’esprit trop discret
Pour aller divulguer cet entretien secret.
Qu’ai-je dit, après tout, que sans moi l’on ne sache ?
Et dans mon procédé que faut-il que je cache ?
On peut craindre une chute avec quelque raison,
Quand on met en usage, ou ruse, ou trahison.
Mais qu’ai-je à redouter, moi qui partout n’avance
Que les soins approuvés d’un peu de complaisance ;
Et qui suis seulement par d’utiles leçons
La pente qu’a le Prince à de jaloux soupçons ?
Son âme semble en vivre, et je mets mon étude,
À trouver des raisons à son inquiétude,
À voir de tous côtés, s’il ne se passe rien,
À fournir le sujet d’un secret entretien.
Et quand je puis venir, enflé d’une nouvelle,
Donner à son repos une atteinte mortelle ;