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À M. DE MOLIÈRE.

de ces gens-là. — De quoi vous plaignez-vous ? lui dit un plaisant ; l’auteur vous a pris du beau côté ; vous seriez bien heureux d’en être quitte pour l’imagination. »

Cette anecdote prouve mieux que toutes les discussions de la critique, que si Molière avait manqué le but moral, il avait du moins trouvé la vérité.

Cailhava dit que la pièce de Molière est conçue d’après un canevas italien non imprimé : Arlichino cornuto per opinione.



À M. DE MOLIÈRE,
CHEF DE LA TROUPE DES COMÉDIENS DE MONSIEUR, FRÈRE UNIQUE DU ROI[1]


Monsieur,

Ayant été voir votre charmante comédie du Cocu imaginaire, la première fois qu’elle fit paroître ses beautés au public, elle me parut si admirable que je crus que ce n’étoit pas rendre justice à un si merveilleux ouvrage que de ne le voir qu’une fois, ce qui m’y fit rencontrer cinq ou six autres ; et, comme on retient assez facilement les choses qui frappent vivement l’imagination, j’eus le bonheur de la retenir entière, sans aucun dessein prémédité, et je m’en aperçus d’une manière assez extraordinaire. Un jour, m’étant trouvé dans une assez célèbre

  1. Un nommé Neufvillenaine, qui, en cinq ou six représentations, avoit retenu toute cette comédie, la fit imprimer, et la dédia à Molière ; c’est cette dédicace que nous reproduisons ici.

    Neufvillenaine a cru devoir faire précéder les principales scènes d’arguments qui en expliquaient le sujet. Ces arguments offrent des détails précieux sur le jeu comique de Molière, qui représentait Sganarelle, et sur l’effet que chaque scène et presque chaque vers produisaient sur le public. Nous remarquerons que ces arguments ne déplurent pas à Molière, que même il sembla les adopter, puisque, dans l’unique édition qu’il ail publiée de ses œuvres, il n’a rien changé ni au texte de la pièce, ni aux arguments de son éditeur. Cette édition curieuse est imprimée chez Guillaume de Luynes, en 1666, avec privilége du Roi, sous le titre d’Œuvres de M. de Molière. Elle se compose de deux volumes, ornés chacun d’une vignette fort singulière, représentant Mascarille et Agnes dans leur costume. Le premier volume, de 391 pages, renferme quatre pièces : les Précieuses, le Cocu imaginaire, l’Étourdi et le Dépit amoureux. Le second volume, de 480 pages, renferme cinq pièces : les Fâcheux, l’École des Maris, l’École des Femmes, la Critique de l’École des Femmes et la Princesse d’Élide. (Aimé Martin)