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Du Croisy

Comment ! mesdames, nous endurerons que nos laquais soient mieux reçus que nous ; qu’ils viennent vous faire l’amour à nos dépens, et vous donnent le bal ?

Magdelon

Vos laquais !

La Grange

Oui, nos laquais : et cela n’est ni beau ni honnête de nous les débaucher comme vous faites.

Magdelon

O ciel ! quelle insolence !

La Grange

Mais ils n’auront pas l’avantage de se servir de nos habits pour vous donner dans la vue ; et si vous les voulez aimer, ce sera, ma foi, pour leurs beaux yeux. Vite, qu’on les dépouille sur-le-champ.

Jodelet

Adieu notre braverie[1].

Mascarille

Voilà le marquisat et la vicomté à bas.

Du Croisy

Ah ! Ah ! coquins, vous avez l’audace d’aller sur nos brisées ! Vous irez chercher autre part de quoi vous rendre agréables aux yeux de vos belles, je vous en assure.

La Grange

C’est trop que de nous supplanter, et de nous supplanter avec nos propres habits.

Mascarille

O fortune ! quelle est ton inconstance !

Du Croisy

Vite, qu’on leur ôte jusqu’à la moindre chose.

La Grange

Qu’on emporte toutes ces hardes, dépêchez. Maintenant, mesdames, en l’état qu’ils sont, vous pouvez continuer vos amours avec eux tant qu’il vous plaira ; nous vous laissons toute sorte de liberté pour cela, et nous vous protestons, monsieur et moi, que nous n’en serons aucunement jaloux.

  1. Dans le sens de parure, se dit encore dans le langage vulgaire, en certains pays, vous voilà bien brave, pour vous voilà bien paré.