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Madelon

Je les aime aussi ; mais je veux que l’esprit assaisonne la bravoure.

Mascarille

Te souvient-il, vicomte, de cette demi-lune que nous emportâmes sur les ennemis au siége d’Arras[1] ?

Jodelet

Que veux-tu dire avec ta demi-lune ? C’étoit bien une lune toute entière.

Mascarille

Je pense que tu as raison.

Jodelet

Il m’en doit bien souvenir, ma foi ! j’y fus blessé à la jambe d’un coup de grenade, dont je porte encore les marques. Tâtez un peu, de grâce, vous sentirez quelque coup, c’étoit là.

Cathos, après avoir touché l'endroit.

Il est vrai que la cicatrice est grande.

Mascarille

Donnez-moi un peu votre main, et tâtez celui-ci ; là, justement au derrière de la tête. Y êtes-vous ?

Magdelon

Oui : je sens quelque chose.

Mascarille

C’est un coup de mousquet que je reçus la dernière campagne que j’ai faite.

Jodelet, découvrant sa poitrine.

Voici un autre coup qui me perça de part en part à l’attaque de Gravelines[2].

Mascarille, mettant la main sur le bouton de son haut-de-chausses.

Je vais vous montrer une furieuse plaie.

Magdelon

Il n’est pas nécessaire : nous le croyons sans y regarder.

Mascarille

Ce sont des marques honorables qui font voir ce qu’on est.

Cathos

Nous ne doutons point de ce que vous êtes.

Mascarille

Vicomte, as-tu là ton carrosse ?

  1. En 1654.
  2. En 1659.