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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

tait encore qu’à l’état de chaos, et qu’à part l’autorité de la foi, chaque auteur avait sa règle individuelle comme chaque ville avait sa charte. On avait laissé tout dire, mais le moment était venu où l’unité du pouvoir allait se fonder, où les vieilles croyances étaient forcées de se défendre. L’autorité civile, jusqu’alors étrangère à la police du théâtre, intervint pour réprimer et poser des limites aux libertés de l’esprit. Des sources nouvelles s’ouvrirent à l’inspiration, et la renaissance marqua l’agonie de notre vieille littérature dramatique, en même temps que l’avénement de la société moderne.

IV

Les premières tragédies et les premières comédies de la renaissance furent des traductions de l’antiquité grecque ou romaine et des imitations de la littérature italienne. Baïf, Thomas Sibilet, Ronsard, essayèrent de reproduire Sophocle, Euripide, Aristophane. Charles Estienne et Jean de la Taille firent passer dans notre langue le Négromant de l’Arioste, et les Abusés, de l’Académie siennoise. Après avoir traduit, on imita. Jodelle, qui fit jouer en 1552, pour son début, Cléopâtre captive, est le premier représentant de l’école tragique du seizième siècle. « Nulle invention dans les caractères, les situations et la conduite de la pièce ; une reproduction scrupuleuse, une contrefaçon parfaite des formes grecques ; l’action simple, les personnages peu nombreux, des actes fort courts, composés d’une ou deux scènes et entremêlés de chœurs ; la poésie lyrique de ces chœurs, bien supérieure à celle du dialogue ; les unités de temps et de lieu observées moins en vue de l’art que par un effet de l’imitation ; un style qui vise à la noblesse et à la gravité, » voilà, d’après M. Sainte-Beuve, ce qui distingue Jodelle, et nous ajouterons que ces remarques si justes nous paraissent s’appliquer exactement, non-seulement à Jodelle, mais à ses nombreux contemporains qui firent aussi des tragédies, tels que Charles Toustain, Jacques Grévin, Jean de la Péruse, Jean de la Taille, Marc Papillon, Jean Dehais, Théodore de Bèze,