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ACTE V





Scène V, 1




Mascarille

« Dès que l’obscurité régnera dans la ville,
Je me veux introduire au logis de Lucile :
Va vite de ce pas préparer pour tantôt
Et la lanterne sourde, et les armes qu’il faut ».
Quand il m’a dit ces mots, il m’a semblé d’entendre :
« Va vitement chercher un licou pour te pendre ».
Venez çà, mon patron (car dans l’étonnement
Où m’a jeté d’abord un tel commandement,
Je n’ai pas eu le temps de vous pouvoir répondre ;
Mais je vous veux ici parler, et vous confondre :
Défendez-vous donc bien, et raisonnons sans bruit).
Vous voulez, dites-vous, aller voir cette nuit
Lucile ? « Oui, Mascarille. —— Et que pensez-vous faire ?
-— Une action d’amant qui se veut satisfaire.
-— Une action d’un homme à fort petit cerveau
Que d’aller sans besoin risquer ainsi sa peau.
-— Mais tu sais quel motif à ce dessein m’appelle :
Lucile est irritée. —— Eh bien ! Tant pis pour elle.
-— Mais l’amour veut que j’aille apaiser son esprit.
-— Mais l’amour est un sot qui ne sait ce qu’il dit :
Nous garantira-t-il, cet amour, je vous prie,
D’un rival, ou d’un père, ou d’un frère en furie ?
-— Penses-tu qu’aucun d’eux songe à nous faire mal ?
-— Oui vraiment je le pense, et surtout ce rival.
-— Mascarille, en tout cas, l’espoir où je me fonde,
Nous irons bien armés ; et si quelqu’un nous gronde,
Nous nous chamaillerons. —— Oui, voilà justement
Ce que votre valet ne prétend nullement :
Moi, chamailler, bon Dieu ! Suis-je un Roland, mon maître,