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xiv
PRÉCIS DE L’HISTOIRE

        Aloris (premier pastoureau).
Il fait assez doulce saison
Pour pastoureaux, la Dieu mercy.
        Ysambert.
Quand les bergers sont de raison,
Il fait assez doulce saison.
        Pellion.
Rester ne pourroye en maison
Et voire ce joyeux temps cy.
        Aloris.
Fy de richesse et de soucy !
Il n’est vie si bien nourrie
Qui vaille estat de pastourie.
        Pellion.
A gens qui s’esbattent ainsy,
Fy de richesse et de soucy !
        Rifflard.
Je suis bien des vostres aussy
A tout (avec) ma barbette fleurie,
Quand j’ai de pain mon saoul, je crie :
Fy de richesse et de soucy !
..........
..........
Est-il liesse plus série
Que de regarder les beaux champs,
Et ces doux aignelets paissants,
Saultant à la belle praerie ?

Il serait facile de trouver bien des morceaux du même genre ; mais ce qui pourrait nous plaire aujourd’hui était, on doit le croire, indifférent aux gens du moyen âge. Ils ne cherchaient dans les spectacles ni le jeu des acteurs ni l’éclat de la poésie ; mais avant tout, le tableau des grandes scènes historiques de leurs croyances. « La foule, nous l’avons dit ailleurs, voyait là, vivant et animé, le monde du passé et le monde de l’avenir ; le paradis des premiers âges, où elle retrouvait ses premiers parents, et le paradis où elle devait un jour trouver son Dieu. Ces flûtes, ces harpes, ces luths qui se mêlaient au jeu des acteurs, n’étaient-ce pas ces mêmes instruments qui, dans le séjour des élus, accompagnent le chant éternel des bienheureux ? Le peuple apprenait, expliqué par le jeu de la scène, comme il l’entendait chaque jour, expliqué du haut de la chaire par la voix du prêtre, le sombre mystère de la destinée humaine, la chute et la rédemption, le châtiment et