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Hé ! Laissez-moi parler un peu, je vous conjure :
Un sot qui ne dit mot ne se distingue pas
D’un savant qui se tait.

Albert, s’en allant.

Parbleu, tu te tairas !

Métaphraste

D’où vient fort à propos cette sentence expresse
D’un philosophe : « parle, afin qu’on te connoisse. »
Doncques, si de parler le pouvoir m’est ôté,
Pour moi, j’aime autant perdre aussi l’humanité,
Et changer mon essence en celle d’une bête.
Me voilà pour huit jours avec un mal de tête.
Oh ! Que les grands parleurs sont par moi détestés !
Mais quoi ? Si les savants ne sont point écoutés,
Si l’on veut que toujours ils aient la bouche close,
Il faut donc renverser l’ordre de chaque chose :
Que les poules dans peu dévorent les renards,
Que les jeunes enfants remontrent aux vieillards,
Qu’à poursuivre les loups les agnelets s’ébattent,
Qu’un fou fasse les lois, que les femmes combattent,
Que par les criminels les juges soient jugés
Et par les écoliers les maîtres fustigés,
Que le malade au sain présente le remède,
Que le lièvre craintif… Miséricorde ! à l’aide !

(Albert lui vient sonner aux oreilles une cloche qui le fait fuir.)