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PRÉCIS DE L’HISTOIRE

on avait peint des serpents et des crapauds, et que surmontait une tour de laquelle s’échappaient des flammes.

Comme la plupart des spectateurs étaient fort ignorants et qu’il leur aurait été très-difficile de se reconnaître au milieu des événements confus qui se passaient sous leurs yeux, les auteurs prenaient soin d’expliquer, dans une espèce de prologue, l’arrangement de la scène. Outre les prologues on trouve, principalement dans les miracles de Notre-Dame, de courts sermons en prose qui étaient prononcés par des prêtres. Quelquefois, avant de commencer, on célébrait la messe, et après la représentation on entonnait quelque chant solennel, tel que le Magnificat.

Tous les acteurs étaient assis sur des gradins, autour du théâtre, et de la sorte, lors même qu’ils étaient supposés partis pour de longs voyages, lors même qu’ils étaient supposés morts, ils restaient exposés aux regards du public. Il va sans dire que l’on ne connaissait ni l’unité de temps ni l’unité de lieu. Les personnages vieillissaient de vingt ans en quelques minutes. Ainsi, dans un miracle où la Vierge est en scène, la mère de Dieu est représentée d’abord par une enfant de quatre ans ; la sortie de cette enfant, dans le manuscrit du miracle, est indiquée en marge par ces mots : cy fine la petite Marie ; puis paraît une Marie nouvelle, dont l’entrée est indiquée par cette phrase : cy commence la grande Marie. Cette dernière, après avoir rempli son rôle, allait s’asseoir à côté de celle qui l’avait précédée, et ainsi, quand la Vierge mère paraissait à son tour, les spectateurs avaient sous les yeux trois personnes pour un seul et même personnage. Les bienséances, l’exactitude historique étaient traitées comme la vraisemblance. Dans le miracle intitulé : Comment Notre-Dame délivra une abbesse qui était grosse de son clerc, et dans le Baptême de Clovis, on figurait sur la scène l’accouchement de l’abbesse et de la reine Clotilde. Enfin, dans la Vengeance et destruction de Jérusalem, les soldats romains Rouge-Museau, Esdenté, Grappart et Tranchart poursuivaient au milieu des flammes des filles et des femmes juives, comme pourraient le faire des vainqueurs dans une ville prise d’assaut, abandonnée à leur brutalité.