Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
v
DU THÉÂTRE EN FRANCE

bâtir des remparts et des églises, et à la fin du sixième siècle les souvenirs de la scène antique avaient à peu près disparu.

Pendant les siècles suivants, on trouve vaguement indiquées des représentations d’un nouveau genre, les unes nomades et populaires, les autres religieuses.

Les représentations populaires étaient données par des acteurs ambulants, auxquels on conserva d’abord leur nom romain d’histrions, et qui furent ensuite appelés chanteurs, cantores, et plus tard encore jongleurs, joculatores. Ces acteurs, qui se montraient principalement dans les foires et jouaient en plein vent, se faisaient suivre par des bouffons et des mimes, qui accompagnaient leurs chants avec des gestes et des instruments de musique. Le sujet de ces chants, désignés sous le nom d’urbanæ cantilenæ, était d’ordinaire emprunté aux légendes des saints sous le patronage desquels étaient placées les foires. Le clergé, comprenant l’influence que pouvaient exercer les jongleurs, se réserva le privilége de composer leurs chants. Dès le neuvième siècle, un chanoine de Rouen, Thiébaut de Vernon, avait traduit pour leur usage, en langue vulgaire, la vie de plusieurs saints. Comme il s’agissait de légendes pieuses, les jongleurs, pour mieux entrer dans l’esprit de leur rôle, revêtirent souvent le costume ecclésiastique[1], ce qui ne les empêcha point de se livrer à des désordres tels que Charlemagne, en 789, leur interdit l’exercice de leur profession, et on a lieu de croire qu’ils ne reparurent que sous le règne de Robert.

Les représentations religieuses avaient lieu dans les églises. Ce n’étaient point, comme on l’a dit, des drames hiératiques, mais tout simplement de la liturgie, parce qu’il fallait, pour instruire le peuple, des signes matériels qui frappassent ses yeux. Le clergé ne cherchait point à faire des pièces de théâtre : il voulait seulement rendre sensibles et vivants les principaux faits de l’histoire sainte ou de l’histoire hagiographique, soit en les dialoguant, soit en les exprimant par des actions figurées. Ainsi, le jour de la Purification une jeune

  1. Voir Villemain, Littérature du Moyen Âge, Paris, 1830, in-8o, t. II, p. 255. et[illisible] Journal des Savantes 1846, p. 457.