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Gorgibus

Monsieur, ne me refusez pas cette grace, après toutes celles que vous m’avez faites.

Sganarelle, de la fenêtre.

En vérité, monsieur Gorgibus, vous avez un tel pouvoir sur moi, que je ne vous puis rien refuser. Montre-toi, coquin. (Après avoir disparu un moment, il se remontre en habit de valet). — Monsieur Gorgibus, je suis votre obligé. (Il disparoît encore, et reparoît aussitôt en robe de médecin.) Hé bien ! avez-vous vu cette image de la débauche ?

Gros-René

Ma foi, ils ne sont qu’un ; et, pour vous le prouver, dites-lui un peu que vous les voulez voir ensemble.

Gorgibus

Mais faites-moi la grace de le faire paroître avec vous, et de l’embrasser devant moi à la fenêtre.

Sganarelle, de la fenêtre.

C’est une chose que je refuserois à tout autre qu’à vous ; mais, pour vous montrer que je veux tout faire pour l’amour de vous, je m’y résous, quoique avec peine, et veux auparavant qu’il vous demande pardon de toutes les peines qu’il vous a données. — Oui, monsieur Gorgibus, je vous demande pardon de vous avoir tant importuné, et vous promets, mon frère, en présence de monsieur Gorgibus que voilà, de faire si bien désormais, que vous n’aurez plus lieu de vous plaindre, vous priant de ne plus songer à ce qui s’est passé.

(Il embrasse son chapeau et sa fraise, qu’il a mis au bout de son coude.)
Gorgibus

Hé bien ! ne les voilà pas tous deux ?

Gros-René

Ah ! par ma foi, il est sorcier.

Sganarelle, sortant de la maison, en médecin

Monsieur, voilà la clef de votre maison que je vous rends ; je n’ai pas voulu que ce coquin soit descendu avec moi, parcequ’il me fait honte ; je ne voudrois pas qu’on le vît en ma compagnie, dans la ville où je suis en quelque réputation. Vous irez le faire sortir quand bon vous semblera. Je vous donne le bonjour, et suis votre serviteur, etc.

(Il feint de s’en aller, et, après avoir mis bas sa robe, rentre dans la maison par
la fenêtre).