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Sganarelle, à la fenêtre.

Monsieur Gorgibus, je vous prie de le faire venir ici ; je vous conjure que ce soit en particulier que je lui demande pardon, parceque sans doute il me feroit cent hontes, cent opprobres devant tout le monde.

(Gorgibus sort de sa maison par la porte, et Sganarelle par la fenêtre.)
Gorgibus

Oui-dà, je m’en vais lui dire… Monsieur, il dit qu’il est honteux, et qu’il vous prie d’entrer, afin qu’il vous demande pardon en particulier. Voilà la clef, vous pouvez entrer ; je vous supplie de ne me pas refuser, et de me donner ce contentement.

Sganarelle

Il n’y a rien que je ne fasse pour votre satisfaction : vous allez entendre de quelle manière je le vais traiter. (À la fenêtre). Ah ! te voilà, coquin. — Monsieur mon frère, je vous demande pardon, je vous promets qu’il n’y a pas de ma faute. — Pilier de débauche, coquin, va, je t’apprendrai à venir avoir la hardiesse d’importuner monsieur Gorgibus, de lui rompre la tête de tes sottises. — Monsieur mon frère… — Tais-toi, te dis-je. — Je ne vous désoblig… — Tais-toi, coquin.

Gros-René

Qui diable pensez-vous qui soit chez vous à présent ?

Gorgibus

C’est le médecin et Narcisse son frère ; ils avoient quelque différend, et ils font leur accord.

Gros-René

Le diable emporte ! ils ne sont qu’un.

Sganarelle, à la fenêtre.

Ivrogne que tu es, je t’apprendrai à vivre. Comme il baisse la vue ! il voit bien qu’il a failli, le pendard. Ah ! l’hypocrite, comme il fait le bon apôtre !

Gros-René

Monsieur, dites-lui un peu par plaisir qu’il fasse mettre son frère à la fenêtre.

Gorgibus

Oui-dà, Monsieur le médecin, je vous prie de faire paroître votre frère à la fenêtre.

Sganarelle, de la fenêtre.

Il est indigne de la vue des gens d’honneur, et puis je ne le saurois souffrir auprès de moi.