Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 1.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.

comme nous nous ressemblons fort, on nous prend quelquefois l’un pour l’autre.

Gorgibus

Je me donne au diable si je n’y ai été trompé. Et comme vous nommez-vous ?

Sganarelle

Narcisse, Monsieur, pour vous rendre service. Il faut que vous sachiez qu’étant dans son cabinet j’ai répandu deux fioles d’essence qui étoient sur le bord de sa table ; aussitôt il s’est mis dans une colère si étrange contre moi, qu’il m’a mis hors du logis ; il ne me veut plus jamais voir, tellement que je suis un pauvre garçon à présent, sans appui, sans support, sans aucune connoissance.

Gorgibus

Allez, je ferai votre paix ; je suis de ses amis, et je vous promets de vous remettre avec lui ; je lui parlerai d’abord que je le verrai.

Sganarelle

Je vous serai bien obligé, monsieur Gorgibus.

(Sganarelle sort et rentre aussitôt avec sa robe de médecin).

Scène XII

Sganarelle, Gorgibus
Sganarelle

Il faut avouer que, quand les malades ne veulent pas suivre l’avis du médecin, et qu’ils s’abandonnent à la débauche…

Gorgibus

Monsieur le médecin, très humble serviteur. Je vous demande une grace.

Sganarelle

Qu’y a-t-il, monsieur ? est-il question de vous rendre service ?

Gorgibus

Monsieur, je viens de rencontrer monsieur votre frère qui est tout à fait fâché de…

Sganarelle

C’est un coquin, monsieur Gorgibus.

Gorgibus

Je vous réponds qu’il est tellement contrit de vous avoir mis en colère…

Sganarelle

C’est un ivrogne, monsieur Gorgibus.