Monsieur, après ce que m’a dit monsieur Gorgibus de votre mérite et de votre savoir, j’ai eu la plus grande passion du monde d’avoir l’honneur de votre connoissance, et j’ai pris la liberté de vous saluer à ce dessein : je crois que vous ne le trouverez pas mauvais. Il faut avouer que ceux qui excellent en quelque science sont dignes de grande louange, et particulièrement ceux qui font profession de la médecine, tant à cause de son utilité, que parcequ’elle contient en elle plusieurs autres sciences, ce qui rend sa parfaite connoissance fort difficile ; et c’est fort à propos qu’Hippocrate dit dans son premier aphorisme : Vita brevis, ars vero longa, occasio autem præceps, experimentum, judicium periculosum, difficile.
Ficile tantinapota baril cambustibus.
Vous n’êtes pas de ces médecins qui ne vous appliquent qu’à la médecine qu’on appelle rationale ou dogmatique, et je crois que vous l’exercez tous les jours avec beaucoup de succès, experientia magistra rerum. Les premiers hommes qui firent profession de la médecine furent tellement estimés d’avoir cette belle science, qu’on les mit au nombre des dieux pour les belles cures qu’ils faisoient tous les jours. Ce n’est pas qu’on doive mépriser un médecin qui n’auroit pas rendu la santé à son malade, puisqu’qu’elle ne dépend pas absolument de ses remèdes, ni de son savoir : interdum docta plus valet arte malum. Monsieur, j’ai peur de vous être importun : je prends congé de vous, dans l’espérance que j’ai qu’à la première vue j’aurai l’honneur de converser avec vous avec plus de loisir. Vos heures vous sont précieuses, etc.
Que vous semble de cet homme-là ?
Il sait quelque petite chose. S’il fût demeuré tant soit peu davantage, je l’allois mettre sur une matière sublime et relevée. Cependant, je prends congé de vous. (Gorgibus lui donne de l’argent). Hé ! que voulez-vous faire ?
Je sais bien ce que je vous dois.