Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
LE GUEUX DE MER

Worms les détrompa bientôt. Sautant sur le couronnement de la poupe, il détacha lui-même la corde qui soutenait le pavillon espagnol, arboré à l’arrière du flibot, et, la présentant au prince d’Orange : Monseigneur, dit-il, c’est à vos mains victorieuses de renverser cet emblème de la tyrannie étrangère. Guillaume prit la corde, la lâcha, et le drapeau ennemi, entraîné par son propre poids, s’abattit en tournoyant, et alla tomber dans la mer. Il fut remplacé par le pavillon de Zélande ; le noble lion national se déploya majestueusement dans les airs, et tout l’équipage le salua de ses acclamations.

À cette vue les Espagnols indignés poussèrent un cri de fureur, et, sans attendre les ordres de leurs chefs, les canonniers du vaisseau amiral, qui était le plus proche, coururent à leurs pièces. Un moment après les triples batteries de ce navire immense commencèrent à tonner. Ses flancs noirs vomirent un torrent de feu, et l’explosion de cette décharge effroyable souleva et fit trembler le bâtiment.

Pendant quelques secondes une fumée épaisse ne permit pas de juger l’effet de cette bordée ; mais les Espagnols ne doutaient pas qu’elle n’eût anéanti le flibot. Ils furent tirés de cette erreur, par le sifflement des boulets ennemis qui, rasant leur tillac, renversèrent quelques officiers à côté de don Juan de la Cerda. Alors leur rage ne connut plus de bornes, et, mettant toutes leurs voiles dehors, ils poussèrent droit au navire zélandais dans le dessein de le couler à fond.