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Tout à coup un mousse, placé en vigie, s’écria : Les navires de Flessingue !

On vit alors déboucher, entre l’arrière-garde espagnole et les transports qui formaient le centre de la flotte, une dizaine de petits bâtiments médiocrement équipés. Ils portaient le pavillon de Castille ; mais l’œil expérimenté d’un marin ne pouvait méconnaître leur construction zélandaise.

Une acclamation joyeuse de tous les marins du flibot salua l’apparition de ces navires. Guillaume seul restait silencieux ; sans proférer une seule parole, il ôta le grand chapeau dont sa tête était couverte, et prosterna devant l’Éternel ce front où était empreinte la majesté du génie. Tout l’équipage imita son exemple, et deux cents marins, accoutumés à braver les hommes et les éléments, offrirent une humble prière à Celui qui commande aux tempêtes et à la mort. Ils ne demandaient pas à Dieu les richesses, les honneurs, de longues années, un doux repos ; ils ne songeaient pas à détourner les périls qui menaçaient leur existence ou celle de leurs proches ; mais ils priaient pour le pays qui les avait vus naître, pour la cause qu’ils croyaient juste et sacrée, pour leurs concitoyens, et pour le grand homme sur lequel reposait l’espérance publique.

Quand ils se relevèrent chacun courut à son poste, et il régna quelques moments sur le navire un bruit confus et un désordre apparent. Mais bientôt ce tumulte cessa : l’on vit les hunes couvertes de fusi-