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LE GUEUX DE MER

Penchés sur la galerie de leur petit flibot, Guillaume de Nassau et l’intrépide Ewout Pietersen Worst regardaient s’approcher les ennemis. Tous deux étaient pleins de confiance dans le courage de leurs braves marins, dans l’expérience de leurs officiers et dans la bonté de leur navire ; cependant ils ne purent se défendre d’un mouvement d’appréhension quand ils considérèrent l’immense supériorité des forces espagnoles. Le prince leva les yeux au ciel et, serrant fortement la poignée de son glaive : Vaincre ou mourir, dit-il, voilà notre seule alternative !

— Peut-être succomberons-nous, répondit le marin ; mais le lion de Zélande sera victorieux.

Ce n’était pas pour commander sur le petit vaisseau que le prince était venu rejoindre l’amiral, il s’en remettait à lui pour remplir tous les devoirs d’un chef prudent et courageux. Mais, sachant que la présence d’un Nassau redoublerait l’ardeur de l’équipage, et se flattant de pouvoir prendre quelque part à l’action comme soldat, il était accouru partager la gloire et les dangers des gueux de mer. Ceux-ci, fiers d’un pareil compagnon d’armes, le regardaient avec enthousiasme. Le respect et l’admiration se peignaient sur la figure mâle de tous ces hommes robustes et déterminés ; par un mouvement spontané, tous ceux qui étaient près de Guillaume avaient découvert leur tête ; un profond silence régnait parmi eux : ils auraient craint, en faisant le moindre bruit, de troubler les grandes pensées du héros.