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rière l’eût moins épouvantée ; elle fit un pas en arrière, en répétant : Ewout Pietersen Worst !… et si ses forces ne l’abandonnèrent pas, c’est que le fanatisme qui l’enflammait lui donna dans ce moment un courage au-dessus de la nature.

— Ne prends point le titre d’amiral, dit-elle en frémissant, mais celui de capitaine des bandits ! Homme méprisable, voilà donc de tes exploits ! Ce n’est point le hasard, c’est sans doute une horrible trahison qui nous a mises en ton pouvoir. Je reconnais bien à ce trait le chef des gueux et le général des pirates. Mais, vous, jeune homme, vous qui paraissez si noble et si loyal…

Un cri de Marguerite l’interrompit. En songeant que Louis de Winchestre s’était associé à ceux qu’elle regardait comme des forbans elle avait senti ses forces l’abandonner, et elle tomba sans connaissance.

Le jeune officier accourait auprès d’elle : il fut assez heureux pour la recevoir entre ses bras et l’empêcher de se blesser dans sa chute ; mais elle restait froide et décolorée. À cette vue l’enthousiasme de la douairière s’évanouit : oubliant ses haines et ses préventions, elle ne fut plus animée que par les sentiments d’une femme, d’une amie, d’une mère ; elle serrait avec force sa nièce évanouie, la baignait de ses pleurs et lui prodiguait les soins les plus touchants. Le jeune homme s’efforçait de la seconder d’une main mal assurée, tandis qu’Ewout Pietersen Worst, attendri et comme pétrifié, s’étonnait de sentir de grosses larmes rouler sur ses joues flétries par de lon-