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LE GUEUX DE MER

dame ne l’observait pas en ce moment ; car son émotion eût révélé le mot de l’énigme.

Cependant la petite embarcation, sortant de la baie où elle avait navigué jusqu’alors, parvint à un endroit où la mer brisait avec violence. L’officier, prenant en main la sonde, s’assit à l’arrière du canot. Dirk Dirkensen ramait avec une vigueur infatigable, jetant de temps en temps un coup d’œil sur la côte où gisait le cadavre de l’Espagnol que sa balle avait atteint. Marguerite, les yeux fixés sur son libérateur, se reportait aux beaux jours de son adolescence, et le sourire animait ses lèvres de rose. Mais la baronne était en proie à une inquiétude mortelle depuis que la mer houleuse ballottait plus fortement le frêle esquif ; elle tremblait quand elle voyait se former au loin ces montagnes d’eau, qui s’approchaient ensuite en roulant et semblaient s’accroître encore dans leur course, et elle poussait des cris de frayeur chaque fois qu’une vague menaçait la petite barque et faisait jaillir l’écume par-dessus le bord.

Cependant elle finit par s’accoutumer un peu à cette vue, et, sa reconnaissance revenant avec sa sécurité, elle remercia de nouveau les deux marins, leur promit les plus brillantes récompenses et les assura de la protection de sa famille.

Elle leur adressa aussi différentes questions sur les navires que l’on apercevait de toutes parts. Déjà on pouvait distinguer les nombreux pavillons de la flotte espagnole, qui s’avançait en bon ordre : les grands vaisseaux de guerre, qui formaient l’avant-garde,