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LE GUEUX DE MER

Le vieux marin fit la grimace. Arrivons toujours, répondit-il en regardant avec complaisance son mousquet, je sais ce que j’aurai à faire.

— Si je succombe, reprit l’officier, tu diras à nos compagnons que mes derniers vœux ont été pour la liberté de mon pays.

— Si vous succombez, répliqua le vieillard d’un ton grave et avec un regard expressif, notre barque voguera sans conducteur, et le vieux Dirk Dirkensen passera au service d’un plus puissant amiral !

Il continua à ramer vigoureusement, et pour dissiper les images funestes qui s’offraient à sa pensée il chantait à demi-voix une chanson de matelot. L’officier impatient se tenait debout à la proue du petit esquif, les bras croisés sur la poitrine et la tête penchée en avant.

Quelque diligence que fit le pilote, la barque, repoussée par un courant contraire, n’arriva près du rivage qu’au moment où quatre soldats entraînaient déjà la belle Marguerite. Le jeune homme, furieux à cette vue, s’élança dans les flots en tenant ses pistolets élevés au-dessus de sa tête. Le vieux loup de mer poussa la chaloupe jusque contre le bord, et s’arrêta un moment pour l’amarrer d’une manière solide.

À la vue d’un homme qui accourait seul, et dont le costume n’annonçait qu’un pauvre pêcheur, les ravisseurs n’éprouvèrent d’abord aucune inquiétude ; mais ils reconnurent bientôt à quel ennemi redoutable ils avaient affaire : deux coups tirés d’une main sûre