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LE GUEUX DE MER

— Au large, au large, Dirk !

Le rameur obéit, mais il retournait souvent la tête pour regarder les soldats, et sa haine invétérée contre eux se peignait fortement sur son visage cicatrisé.

Bientôt il aperçut deux dames, qui venaient de traverser les dunes et s’étaient arrêtées sur le rivage pour contempler la flotte qu’on découvrait au loin. Pour la seconde fois alors, il lâcha ses rames, et, prenant son mousquet, il s’assura que la batterie était en bon état.

Le mécontentement éclatait dans les regards du jeune officier. — Dirk Dirkensen, dit-il, faut-il donc que je vous rappelle que vous êtes sous mes ordres ?

— Pardon, mille fois pardon, mon lieutenant ! répliqua le vieux marin sans se déconcerter ; mais je connais cette maudite race de Castillans ; et vous aussi, mon lieutenant, je vous connais ; deux minutes ne se passeront pas sans que vous m’ordonniez de tourner vers la terre.

Le jeune homme, surpris de cette réponse, jeta les yeux sur le rivage ; il vit les deux dames accompagnées d’un seul domestique et pressentit les funestes intentions des soldats qui les guettaient : il pâlit, ses mains se serrèrent avec force et sa poitrine se gonfla ; mais il ne proféra pas une seule parole.

— Virerai-je de bord ? demanda le pilote impatient de rejoindre ceux dont il était l’implacable ennemi.