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LE GUEUX DE MER

regards fixés sur le soldat. Avec l’expression d’une joie cruelle, il répéta seulement de sa voix rauque et gutturale : un Espagnol !

Cet acharnement fit sourire le jeune homme : Veux-tu donc faire feu sur lui ? demanda-t-il.

Un sourire expressif fut la seule réponse du vieux loup de mer.

— Mais, Dirk Dikensen, reprit l’officier, le bruit de ton mousquet nous ferait reconnaître…

Le rameur, convaincu de la justesse de cette observation, baissa tristement la tête et laissa tomber son arme. Mais concevant bientôt une nouvelle espérance, il s’écria : Laissez-moi du moins aller à terre, que je l’assomme à coups de crosse !

Le lieutenant resta inflexible : Nous sommes venus sonder les parages, et non pas chercher des ennemis, répondit-il d’un air ferme ; songeons à notre devoir.

Sans proférer un seul mot, le pilote reprit ses rames, et le petit canot continuant sa marche rapide fut bientôt à quelque distance de l’endroit où se tenait l’Espagnol. On put alors apercevoir plusieurs autres soldats qui suivaient d’assez loin le premier.

— Ils vont toujours par troupes comme des harengs, dit le vieux marin d’un air plein de mépris. Aussi bien n’ont-ils pas tort, car malheur à l’Espagnol qui se hasarderait à parcourir seul les campagnes ! Il y a en Flandre des paysans qui savent manier le fléau.