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de direction, aucun ne ralentit sa marche ; tous se portèrent à pleines voiles au point du danger et de l’honneur.

Un enthousiasme sublime animait les braves que portaient ces frêles bâtiments. C’était à la vue de leurs concitoyens qu’ils allaient combattre : quelque part qu’ils jetassent les yeux, ils voyaient la côte couverte de spectateurs inquiets ; des vieillards, des femmes, des enfants, les mains levées vers le ciel, priant pour leur triomphe. Les campagnes qu’ils découvraient étaient celles de leur patrie ; les maisons qu’ils apercevaient, celles de leurs amis et de leurs parents ; autour de ces églises, dont ils distinguaient les flèches gothiques, reposaient les ossements de leurs aïeux.

Chaque fois que les décharges de l’artillerie royaliste faisaient voler la mort autour d’eux, ils répondaient aux éclats menaçants de ce tonnerre par des cris unanimes et prolongés. Patrie ! liberté ! Guillaume ! Tels étaient les mots magiques que tous répétaient ensemble et qui leur inspiraient le courage des héros.

La flotte ennemie offrait un spectacle bien différent. Les officiers et les soldats, armés de toutes pièces et rangés sur le pont, contemplaient dans un morne silence cette lutte inégale ; les marins, presque tous Hollandais, frémissaient de rage en se voyant contraints à combattre leurs généreux compatriotes ; les canonniers dirigeaient souvent leurs pièces au hasard et affectaient de les charger avec le plus de