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main ; à la poupe le vieux pilote, consultant souvent sa boussole et regardant d’un air soucieux le ciel couvert de nuages.

À mesure que le navire avançait le vent redoublait de force : des lames immenses s’élevaient de toutes parts, les nues amoncelées formaient une voûte épaisse, impénétrable aux rayons du soleil ; on entendait gronder au loin le tonnerre, et les lueurs rougeâtres des éclairs brillaient d’un éclat douteux à travers les sombres vapeurs dont l’atmosphère était chargée.

Louis de Winchestre s’était rapproché du pilote. Il lut dans ses yeux l’inquiétude ; cependant le vieillard gardait le silence, et, malgré l’approche du danger, il respectait la volonté de son capitaine ; les matelots aussi paraissaient effrayés, mais, pleins de confiance dans leur chef, ils s’efforçaient d’étouffer leurs craintes et remettaient leur sort entre ses mains.

Cependant on n’était plus guère qu’à une petite lieue du navire espagnol, mais à peine l’obscurité croissante permettait-elle de l’entrevoir. Quelle position pour le malheureux amant ! S’il persévère quelques heures encore, Marguerite est délivrée, elle est à lui. Oh ! s’il ne fallait braver que des dangers personnels, avec quelle ardeur il exposerait sa vie ! Mais à chaque moment sa témérité peut causer la perte de plus de cent braves compatriotes, de plus de cent héros dont les jours appartiennent à l’État. Ils voient s’étendre autour d’eux, au milieu du jour, une ombre menaçante, ils entendent gémir leurs