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généreux désir qui l’agitait, il profita du premier moment où il se trouva seul avec Marguerite pour lui ouvrir son âme tout entière.

— Marguerite, lui dit-il, vous me connaissez, et vous savez que ni les rêves de l’ambition, ni l’éclat de la gloire ne pourraient me séduire. La seule chose que j’aie ardemment désirée pour mon bonheur, le titre de votre époux, ne peut m’appartenir encore, puisque à peine la terre vient de recouvrir les restes de mon aïeul. Mais dois-je attendre dans l’oisiveté l’époque de cette douce union, tandis que le sang de mes compatriotes demande vengeance ? Lorsque des jeunes gens encore imberbes, de paisibles bourgeois, des vieillards affaissés sous le poids des ans courent aux armes pour défendre la patrie, moi, nourri dans les combats, moi, fils d’un héros, refuserai-je à mon pays opprimé le secours de mon bras ? Vous pâlissez, Marguerite : hélas ! moi aussi je sens mon cœur se briser à l’idée d’une séparation cruelle ; mais qu’importent les souffrances quand il s’agit de remplir un devoir ! La jeune fille, pâle mais l’œil étincelant, voulut lui répondre, et trois fois la parole expira sur ses lèvres ; enfin elle prononça ces mots d’une voix faible, tandis que sa main tremblante cherchait celle de son amant : « Un long remords empoisonnerait toutes les jouissances de ma vie si je vous avais détourné un seul moment du sentier de l’honneur. Partez, Louis, partez : moi aussi je saurai faire un sacrifice à mon pays. »