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Marguerite le traitait déjà comme son fils, et la baronne, qui n’avait jamais douté de sa conversion, lui communiquait toutes ses craintes et toutes ses espérances.

Mais le cœur du jeune homme était trop noble pour se livrer entièrement aux puissances de l’amour et de l’amitié, tandis que ses anciens compagnons d’armes soutenaient une lutte inégale et cruelle contre les satellites du tyran. Chaque jour on apprenait de nouvelles horreurs commises par les Espagnols : tantôt c’étaient des femmes et des enfants hachés par quartiers ou déchirés en lambeaux par la poudre qu’on attachait autour de leurs corps ; tantôt des vieillards mutilés et mis lentement à mort par une longue suite de tourments ; tantôt enfin des protestants brûlés vifs au milieu d’une troupe de soldats qui se faisaient un effroyable amusement de leurs contorsions. À ces récits les yeux du jeune Belge s’enflammaient, et, par un mouvement involontaire, sa main se portait à son épée.

Anvers était alors l’arsenal maritime du duc d’Albe : on y travaillait sans relâche à construire et à équiper des vaisseaux de guerre, pour soumettre les îles de Zélande. Dirk Dirkensen ne laissait passer aucun jour sans aller visiter ces travaux, et, quand il revenait auprès de son maître, un sombre mécontentement était peint sur son visage. On va combattre, disait-il, et nous n’y serons pas ! Louis de Winchestre ne répondait point, mais son front se ridait.

Enfin, incapable de résister plus longtemps au