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— Étranger, dit-il au colonel, dont l’accent trahissait l’origine, vous venez de porter une accusation bien sévère contre les ministres de la religion, permettez que j’y réponde. Ce n’est pas toujours au sein des villes populeuses et opulentes que l’on peut rencontrer des ecclésiastiques dignes de ce nom. Là où les fonctions les plus belles deviennent lucratives, l’avarice et l’ambition convoitent ce qui devrait appartenir à la vertu ; l’homme pieux se tait et se cache : l’hypocrite cherche à frapper les regards, et souvent il y réussit. — Mais dans les campagnes, parmi ces pauvres prêtres qui n’ont que de faibles secours à offrir à la veuve et à l’orphelin, il se rencontre des hommes, et en grand nombre, qui ne rendent point odieuse la doctrine qu’ils professent : ministres de paix et de bienfaisance, ils s’efforcent de consoler les malheureux et non de les effrayer. La science et les talents peuvent leur manquer quelquefois, mais les bons exemples sont plus éloquents que les beaux discours.

Pendant que l’honnête ecclésiastique s’exprimait ainsi de l’air le plus bienveillant, Carino s’était approché de lui par derrière, et, ne voyant dans un prêtre qu’un ennemi, il avait tiré son poignard et se préparait à l’en frapper. Son mouvement avait été aussi rapide que la pensée ; mais un regard de Louis de Winchestre le fit hésiter : il s’arrêta et resta un moment incertain de ce qu’il fallait faire ; enfin, secouant la tête d’un air soupçonneux, il remit assez à contre cœur le fer dans sa gaine.