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saient bouillir de l’eau et fondre du plomb ; il y en avait qui restaient immobiles comme des statues, la pique à la main et l’œil fixé sur la porte par où devaient entrer les malheureux captifs.

Deux passages souterrains donnaient entrée dans ce lieu d’horreur : l’un était destiné aux juges, l’autre aux prisonniers. Les deux Belges et leur conducteur se placèrent près de ce dernier passage, dans un enfoncement où il eût été difficile de les apercevoir. Au-dessus de leur tête régnait une galerie étroite :

— C’est la tribune du Roi, dit tout bas l’alguazil.

— Louis de Winchestre ne répondit rien ; mais sa poitrine se gonfla et il soupira profondément en songeant que le souverain qui régnait sur sa patrie avait le cœur d’un bourreau.

Des pas se firent entendre dans la tribune. Bientôt le son d’une voix déjà bien connue parvint aux oreilles du jeune Flamand ; c’était la voix de Philippe.

— Il a menti, disait-il, et celui qui ment n’est pas digne de vivre !

Le personnage auquel ces mots étaient adressés répondit d’une voix sourde quelque chose que Louis de Winchestre ne put comprendre.

— Toutes vos sollicitations sont inutiles, mon père, répliqua le Roi ; c’est un imposteur, et il subira la peine qu’il a méritée.

Aucune parole ne fut plus prononcée ; mais le craquement de la tribune apprit au jeune homme que le Roi s’agenouillait, et il l’entendit à plusieurs