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camarade rôdait de trop près autour de nos cellules ; moi, qui ne le voyais que par derrière, je crus devoir lui mettre la main au collet ; mais le brave homme riposta d’un coup de poing si bien asséné que je le reconnus de suite, et je m’écriai en tombant : Sainte Vierge de Cordoue ! c’est Dirk Dirkensen ! car il faut que vous sachiez, seigneur cavalier, que nous nous mesurions quelquefois ensemble quand nous montions le même navire. Hem ! hem !

Le pilote secoua la tête : Oui, oui, dit-il, tu m’as donné trois coups de couteau, et je t’ai jeté deux fois à la mer ; partant, puisque le diable t’a repêché, nous sommes quittes !

— Nous avions alors un excellent voilier, répartit l’Espagnol, oubliant son rôle d’alguazil et souriant au souvenir de ses anciennes croisières. Quelles prises nous faisions ! Mais j’en ai bien reçu l’absolution, mon très cher frère, continua-t-il en reprenant son masque : j’ai lavé mon âme des souillures du péché. Dirk, je bois à ta conversion prochaine.

Le vieux Zélandais répondit en haussant les épaules : Carino, car j’ai déjà oublié ton nouveau nom, je n’ai que faire de changer : je suis né sur la mer et je compte y mourir, et si je n’y ai pas fait une grande fortune, je ne laisserai personne après moi pour accuser ma mémoire. Mais il n’en sera pas de même de toi, et le métier que tu fais maintenant…

— Saint Dominique le miséricordieux ! s’écria l’alguazil en jetant autour de lui un regard plein de