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LE GUEUX DE MER

Le bourgmestre n’était rien moins que querelleur, il connaissait l’humeur vindicative des Espagnols et craignait de s’y exposer ; il s’inclina donc, en signe d’assentiment, et se soumit à la nécessité.

Puisqu’il n’y a ici que de bons catholiques, et de fidèles royalistes, reprit alors l’Espagnol d’une voix forte, en agitant de la main gauche son chapeau garni de plumes,… buvons au châtiment des rebelles, à la prise de Flessingue, à l’humiliation du prince d’Orange !

En achevant ces mots il éleva son verre en l’air et le porta ensuite à la bouche : mais la liqueur n’atteignit point ses lèvres ; avant qu’il pût y toucher une main vigoureuse lui avait arraché le verre et l’avait lancé par la fenêtre.

À cette action imprévue il s’éleva une exclamation générale, suivie d’un long et profond silence : tous les regards étaient fixés sur le téméraire qui osait provoquer de la sorte un gentilhomme castillan, commandant de la garnison ; c’était un jeune marin. On ne remarquait dans son costume ni soie, ni velours, ni ganses d’or ; aucune broderie ne brillait sur sa poitrine, mais une large cicatrice sillonnait son front, et le feu du courage éclatait dans ses yeux.

Marguerite aussi avait jeté un regard sur ce téméraire ; mais à peine put-elle en croire le témoignage de ses sens quand elle reconnut ses traits à la fois nobles et doux, ce front calme, ce sourire fier et cet œil étincelant du compagnon de son enfance : c’était Louis de Winchestre.