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sans témoigner de surprise ni de frayeur ; je savais le sort de celle qui m’a précédée. Que la volonté du Roi s’accomplisse ! la mort sera le don le plus précieux que j’aie reçu de lui. Je sais que son infernale jalousie en est la seule cause, mais je meurs innocente ; laissez-moi seulement quelques minutes pour prier.

Elle s’agenouilla sur un prie-Dieu, et, sans montrer la moindre faiblesse, éleva son âme vers Celui qui connaissait toute son innocence, le priant de lui remettre les légères fautes de sa vie et de pardonner à son assassin.

— Allons ! madame ; le temps presse, s’écria l’officier ; choisissez le lacet ou le poison…

— Une minute encore, dit la Reine d’un air calme.

— Je ne le puis…

— Je voudrais écrire quelques lignes.

— Impossible ! Il faut mourir.

Pendant ce dialogue le jeune Flamand était en proie à la plus vive agitation : il voyait la petite-fille de ses souverains, une reine moins grande encore par son rang que par ses vertus, la seule personne de la cour qui eût osé élever la voix en faveur des Belges opprimés, il la voyait victime de ses sentiments généreux et près de mourir d’une mort infâme. Ne consultant que son courage, il voulut trois fois s’élancer seul sur les farouches satellites du tyran, et trois fois il s’arrêta, supposant que ce n’était qu’une épreuve, et qu’après avoir