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Le doute et l’incertitude se peignaient dans les regards du jeune homme :

— Je crains, dit-il, que Sa Majesté n’approuve cette action ; Ferdinand de Tolède est adroit et puissant, il saura colorer sa conduite.

— Jamais ! s’écria la princesse, jamais ! aussi longtemps du moins que je pourrai parler au Roi. Il est vrai, continua-t-elle d’une voix plus faible, que je n’ai pas auprès de lui le crédit auquel devrait s’attendre une parente, une épouse ; mon attachement pour les Belges, dont je me crois la compatriote, nuit à mon pouvoir… peut-être aussi est-ce une faiblesse ; mais la nièce de Charles-Quint pourrait-elle ne point aimer les Flamands ?… Quoi qu’il en soit, je me persuade que don Philippe consentira cette fois à suivre mes avis…

— Plût à Dieu, madame, reprit le Flamand en posant la main sur son cœur, qu’il s’y conformât toujours ! nos malheurs seraient bientôt terminés ; Votre Majesté aurait pitié d’un peuple qui ne demande que la conservation de ses droits antiques.

— Vous me jugez bien, répondit la Reine ; mais que peut une femme sur l’esprit de ce monarque bizarre ? Il se défie de tout le monde, repousse tous les conseils, veut tout faire par lui-même et voit des ennemis dans ceux qui lui sont le plus attachés. En achevant ces mots la princesse fondit en larmes. Oh ! que ne suis-je une pauvre fille des champs ! reprit-elle les yeux levés au ciel ; l’existence la plus laborieuse serait préférable à cette vie d’angoisses et