Laissant ses femmes au fond de l’appartement, elle s’avança seule vers Louis de Winchestre et lui dit d’une voix pleine de douceur : — Ainsi je ne m’étais pas trompée, vous êtes Flamand, et sans doute vous venez implorer la clémence du Roi mon époux ?
Le jeune Belge avait soutenu sans pâlir les regards menaçants du duc d’Albe, et la cruauté froide de Philippe II ne lui avait inspiré que du mépris et de l’horreur ; mais il ne put se défendre d’une vive émotion en recevant de cette auguste princesse un accueil si plein de bienveillance, et ce fut avec un trouble extrême qu’il répondit :
— Telle n’est point mon intention ; non, madame, je ne sollicite point de grâce… Je suis envoyé par le duc d’Albe.
La Reine fit un pas en arrière, et sans chercher à déguiser le mécontentement que trahissaient son geste et sa figure :
— Vous servez ce monstre ? s’écria-t-elle ; vous êtes vendu au tyran qui opprime votre pays ? Jeune homme, c’est un rôle bien vil et bien affreux[1].
Également surpris et charmé de trouver dans la reine d’Espagne tant de franchise et des sentiments si conformes aux siens, Louis de Winchestre ne fut point affecté de ses reproches.
- ↑ Tous les historiens parlent de la haine de cette princesse pour le duc d’Albe, haine quelle manifesta lors de son passage à Anvers, en détournant les yeux à la vue de la statue qu’il s’y était fait ériger.