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— Suivez-moi donc, mais d’un peu loin ; car c’est ici le séjour de la méfiance.

Le page, passant par une longue suite de corridors étroits et d’escaliers obscurs, arriva enfin à une petite porte et frappa trois coups. À ce signal une des femmes de la Reine, qui l’attendait, ouvrit doucement la porte, et Louis de Winchestre entra ; mais son guide resta dehors.

L’appartement était vaste et orné de belles peintures : entre autres meubles à l’usage de la Reine, le jeune homme remarqua un métier sur lequel était tendu un morceau de tapisserie à peu près terminé : c’était une vue d’Allemagne. On pouvait y distinguer la trace encore humide de quelques larmes que la princesse avait versées au souvenir de son pays.

Elle parut bientôt, et le jeune Belge la reconnut, moins à son riche costume qu’à la noblesse de sa démarche. C’était encore une des plus belles femmes de l’Europe : sa taille haute et majestueuse, ses traits réguliers et son regard imposant annonçaient une reine ; mais ses yeux avaient perdu leur éclat, le brillant coloris de la jeunesse et de la gaîté n’embellissait plus ses joues ; une ride même, une ride profonde, se dessinait sur son front, et ceux qui, deux années auparavant, avaient vu Anne-Marie d’Autriche s’embarquer pour l’Espagne, répandant autour d’elle l’espérance et la joie, ne l’eussent point reconnue dans cette femme pâle, maigre et souffrante qui portait maintenant la couronne.