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gravité et la circonspection d’un courtisan espagnol. Il s’inclina devant son maître encore plus profondément que ne l’avait fait l’Africain, et répondit :

« Le conseil a jugé que si Votre Majesté était souverain légitime de Tunis, il ne convenait pas à un de ses sujets de composer avec son maître et de lui vendre l’obéissance qui lui était due ; si, au contraire, on pouvait considérer les mahométans comme propriétaires naturels de la ville, alors l’action du suppliant aurait été un crime de lèse-majesté divine et humaine. Dans la première hypothèse, l’officier maure mérite le supplice des rebelles, pour avoir voulu faire payer à son roi les services qu’il était tenu de lui rendre gratuitement ; dans la seconde il a encouru la peine des traîtres. Toutefois le conseil pense que Votre Majesté pourrait, sans charger sa conscience, accorder quelque faveur à ce misérable, et commuer son châtiment en une prison perpétuelle. »

Le Maure, peu versé dans la langue espagnole, ne comprenait pas bien les termes dans lesquels cette décision était exprimée : cependant les derniers mots étaient intelligibles pour lui. Frappé comme d’un coup de foudre, et doutant du témoignage de ses sens, il pâlit, avança la tête, et resta immobile, l’œil fixé sur le secrétaire, cherchant à saisir un mot ou un geste qui confirmât ou détruisît les appréhensions terribles que ces paroles fatales avaient fait succéder à sa profonde sécurité.

Le Roi, qui, pendant qu’Antonio Pérez prononçait