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senter leurs requêtes, il résolut de se rendre au palais le lendemain à l’heure de l’audience.

Sachant combien le prince faisait attention au costume de ceux qui approchaient de sa personne, il eut soin de choisir un habillement simple, dont la couleur sombre ne blessât point les yeux du Roi, et, sans autre arme que son épée à double tranchant, il s’achemina vers la demeure de ce cruel Philippe dont le nom inspirait tant de terreur.

Le palais de ce souverain offrait un coup d’œil bizarre, et qui pouvait révéler le caractère du prince qui l’habitait. C’était un édifice antique, dont l’architecture, moitié gothique et moitié mauresque, avait subi des changements considérables, par ordre de Philippe ; car il se piquait d’exceller dans la science des Vitruves, et ses flatteurs ne manquaient pas d’élever son talent jusqu’aux nues ; mais, aussi inconscient dans ses projets qu’il aimait à paraître persévérant aux regards de la multitude, il avait vingt fois changé et retouché le plan de la partie de son palais qu’il avait fait reconstruire. Ici se trouvaient des fenêtres masquées par une colonnade imaginée un peu trop tard ; là des arcades de forme et de grandeur inégales ; plus loin des cariatides, qui ne soutenaient rien. L’aile la plus antique et la plus délabrée avait été respectée à cause d’une chambre où un saint religieux avait autrefois fait sa demeure. Un autre corps de bâtiment restait abattu, sans qu’on parût songer encore à le réédifier, le Roi ne sachant auquel de ses différents desseins donner la préférence. Des niches,