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Parvenus au delà des Pyrénées, un nouveau spectacle s’offrit à leurs yeux. Une grande partie des campagnes restait inculte, la manie de l’émigration pour l’Amérique étant alors portée au comble. Çà et là on pouvait remarquer d’horribles vestiges de la guerre civile qui venait à peine de s'éteindre entre les vieux chrétiens et les Mauresques[1]. Quoique les royaumes de Grenade et de Valence eussent été le principal théâtre de cette guerre d’extermination, des partis armés s’étaient répandus jusque dans l’Aragon et la Vieille-Castille, portant partout le désordre et la ruine. Comme le nord de l’Espagne était encore dépourvu de commerce, on ne rencontrait guère le long des routes que des troupes de pèlerins qui voyageaient en demandant l’aumône et dépouillaient quelquefois celui qui ne leur paraissait pas assez libéral. L’intérieur des villes n’était pas moins remarquable par le grand nombre de prêtres, de moines, de mendiants et de bohémiens qui semblaient y fourmiller. Les habitants étaient vêtus d’un costume grave et sombre, conformément au goût du Roi, qui s’occupait volontiers de cette matière, et on pouvait reconnaître les gens de loi et les officiers des cours supérieures à la robe noire, et à la barbe longue et large qu’ils étaient forcés de porter.

Dès qu’ils furent arrivés dans la capitale, Louis de Winchestre s’informa des moyens de parvenir auprès de Philippe II, et, ayant appris que ce monarque permettait quelquefois à tous ses sujets de lui pré-

  1. Nom que l’on donnait alors aux Maures d'Espagne.