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Cette menace n’ayant produit aucun effet sur l’usurier, le soldat, fatigué de ses cris et de sa résistance, lui abattit le poignet droit d’un coup de sabre ; mais le malheureux ne lâchait point encore prise, il fallut lui couper aussi l’autre main.

Ainsi mutilé il s’accrocha avec les dents à l’habit de l’un des militaires, s’efforçant d’entraver sa marche, et l’entourant de ses bras ensanglantés ; mais l’Espagnol se dégagea, et d’un revers il lui coupa le jarret, ce qui le fit tomber sur le ventre. Cependant, ni la douleur ni la mort qui s’approchait ne parurent faire la moindre impression sur l’usurier ; il semblait ne sentir que la perte de son trésor, et, se traînant sur les genoux et sur les coudes, il essayait de suivre les ravisseurs : enfin l’un d’eux, peut-être par compassion, lui appliqua sur le crâne un grand coup de sabre. Le misérable laissa tomber la tête, la releva avec effort, tourna ses yeux mourants vers son coffre, murmura encore une fois : mon argent ! et rendit le dernier soupir.

Marguerite et sa tante avaient détourné la tête pour ne point voir cette scène horrible, mais la voix de l’usurier parvenait jusqu’à elles ; elles entendirent le bruit de sa chute, et, quelque temps encore après qu’il eut expiré, elles croyaient distinguer sa voix déchirante, répétant avec une expression affreuse : mon argent ! mon argent !

Déjà le pillage devenait général : après s’être portés en foule à l’archevêché, aux caisses publiques et aux couvents, d’où ils enlevèrent tout l’or qu’avaient