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LE GUEUX DE MER

il se pencha de nouveau vers la jeune fille et reprit son discours.

Marguerite le laissa parler sans donner aucun signe d’approbation ni de mécontentement. D’autres pensées l’occupaient, et les paroles de l’Espagnol frappaient son oreille sans parvenir jusqu’à son esprit. Mais, en revanche, don Sandoval vit bientôt les regards des autres dames, et surtout de la baronne, fixés sur lui avec l’expression d’une admiration profonde, et, encouragé par ce succès, il déploya toute la jactance que l’on reprochait alors à ses compatriotes.

Sans considérer qu’il parlait devant des Belges, il s’exprima de la manière la plus méprisante sur les guerriers de cette nation ; il taxa de lâcheté le vainqueur de Gravelines et de St-Quentin, et de parjure ce noble Guillaume de Nassau, chef de mécontents, dont toute l’Europe admirait le génie et les vertus[1]. À l’entendre, il eût suffi d’un seul tiercès, ou régiment espagnol, pour mettre en fuite toutes les milices des Pays-Bas, et une couple de galions eussent pu anéantir cette formidable marine des gueux de mer,

  1. Comme il y a des écrivains qui semblent se faire un devoir de flétrir la mémoire de ce grand homme, nous citerons ici le témoignage du plus illustre historien contemporain, le président de Tou, qui mérite doublement croyance : comme étranger, et par conséquent moins partial que les auteurs de notre pays, et comme ayant une juste réputation de sagesse et de véracité. « Jamais peut-être, dit-il, aucun homme n’avait réuni au même degré la prudence, la constance, la grandeur d’âme, l’amour de la justice, la patience et la modération. Prudentiam, constantiam, magnanimitatem, æquitatem, patientiam et moderationem, qua virtutes vix fortasse in ullo mortalium tanta simul fuerunt. De Thou, hist. lib. LXXIX in fine. »