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LE GUEUX DE MER

Une idée passagère, mais déchirante, vint frapper Marguerite : si c’était lui ! si, déguisé sous le costume d’un marin, Louis de Winchestre l’avait suivie, et entendait maintenant les discours injurieux de la baronne ! Comme lui, le marin était d’une haute taille ; il avait des cheveux bouclés comme lui ; et, quelque léger que fût ce double rapport, il suffisait pour émouvoir fortement le cœur d’une amante.

Elle baissa les yeux, et sentit un froid glacial se glisser dans ses veines : mais lorsqu’après le premier moment d’agitation elle voulut fixer encore ses regards sur le jeune homme, il avait repris sa première attitude, et se penchait encore davantage dans l’embrasure de la croisée.

L’émotion de la jeune comtesse n’échappa point à don Sandoval, qui, debout à côté d’elle, la regardait d’un œil pénétrant. Mais comme sa présomption égalait au moins sa perspicacité, il se trompa sur le motif de ce trouble subit, dont il crut devoir s’attribuer l’honneur. Charmé d’un pareil succès, il résolut bien de poursuivre sa conquête ; et comme il savait que la valeur est la qualité que les femmes admirent le plus, il n’imagina rien de mieux que de raconter ses prouesses.

Je puis me vanter, dit-il, d’être surnommé dans l’armée : el castigador de los veillacos Flamingos lutheranos[1] ; car, grâce au Ciel ! j’ai purgé la Belgique de bon nombre de mécontents. Plus d’un gueux des

  1. Il y avait en effet un officier espagnol qui se donnait ce titre. (Chron. de Holl. 1. X, p. 246.)