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la parfaite dévotion et allait commencer la lecture pieuse du soir, quand le vieux domestique auquel elle accordait toute sa confiance entra dans la chambre d’un air mystérieux et, s’approchant de sa maîtresse, lui dit à voix basse : Il est ici, madame, dans cet hôtel : je viens de le voir.

— De qui parlez-vous, Godefroi ?

— De lui, madame, du prince d’Orange !

La surprise de la baronne et de sa nièce permit au vieux serviteur de continuer librement. — Il est dans le grand salon de l’aile droite, avec un des officiers qui logent ici ; je les ai vus à travers les fentes de la cloison. Le prince est habillé comme le moindre de ses cavaliers, et je vous jure qu’il a l’air bien triste.

— Encore quelque complot ! s’écria la vieille dame. Faut-il que le chef des rebelles ait choisi précisément ma demeure pour y concerter ses crimes ! Mais peut-être est-ce la volonté divine qu’il trame sa conspiration dans un lieu où puissent pénétrer les regards d’une fidèle royaliste ! je veux l’observer moi-même, écouter ses propos, et dussé-je traverser seule le camp des hérétiques, j’irai tout révéler au duc d’Albe. Venez, Marguerite, nous l’espionnerons.

Les joues de la jeune fille étaient brûlantes et une généreuse indignation éclatait sur sa figure. — À Dieu ne plaise, dit-elle, que la fille du comte de Waldeghem, la pupille d’un Gruthuysen, s’abaisse à ce point. Non, madame, je n’écouterai pas les discours du prince, je ne surprendrai point ses secrets : ce serait une perfidie.