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une cause sacrée, et que nous pouvons tirer le glaive sans crime et le remettre sans remords.

Il parlait avec cette conviction profonde dont la force est irrésistible, et Marguerite entendait avec plaisir louer la cause qu’avait embrassée son amant ; mais la vieille dame était indignée. — Quel langage ! s’écria-t-elle ; ne savons-nous pas que vous autres, rebelles, vous n’avez pris les armes que pour vous enrichir par le vol et le brigandage ?

— C’est une infâme calomnie, répartit le capitaine avec vivacité : notre généreux chef ne s’occupe pas de ses intérêts, mais de ceux du pays ; et il a si bien gagné le cœur de ses soldats, que ni reître, ni lansquenet ne songe au pillage, quoiqu’en vérité ce soit une race bien avide de butin que les reitres et les lansquenets.

— Mais ne détruisez-vous pas les églises ? ne massacrez-vous pas les ministres du Seigneur ? reprit la baronne en levant les yeux au ciel.

Loin de s’offenser de ce langage, le brave officier ne put s’empêcher de sourire de l’excessive crédulité de la vieille dame — Je crois bien, dit-il, que les prêtres et les moines ne nous aiment guère ; cependant, madame, nous les protégeons le plus souvent contre la vengeance du peuple. Il n’est pas surprenant que, dans quelques villes, le pouvoir excessif du clergé lui ait suscité des ennemis ; ceux qu’on voulait brûler comme hérétiques ne demanderaient sans doute pas mieux que de brûler leurs persécuteurs ; mais le nom de Guil’aume de Nassau est comme un talisman qui