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auraient pu faire prendre pour un charbonnier. Ce singulier personnage s’élança dans l’appartement par la fenêtre même que le jeune homme venait d’ouvrir. — Ne craignez rien, mesdames, dit-il, en saluant d’un air gauche et avec un sourire effrayant les deux dames qui s’étaient réfugiées à l’autre extrémité de la chambre ; je suis votre vieil ami, un peu sale et enrhumé, il est vrai, mais sain et sauf, grâce à Dieu ! et prêt à vous rendre service. Ah ! mon lieutenant, continua-t-il en se retournant vers le jeune homme que la joie de retrouver son vieux compagnon avait rendu pâle et muet, quelle manœuvre j’ai faite ! L’ennemi me serrait de près, au moins ; mais je n’ai pas laissé que de lâcher aussi quelques bordées, et si Dirk Dirkensen fût resté sur le champ de bataille, il n’aurait pas été le seul que les poissons ou les oiseaux eussent mangé. Après avoir prononcé ces mots d’un air satisfait, et avec un geste plein de fierté, il croisa les bras sur sa poitrine et attendit la réponse de son officier, avec la contenance un peu hautaine d’un vainqueur qui attend sa récompense.

La douairière tremblait encore, mais la joie se peignait sur la figure de Marguerite et de son amant.

— Pilote, dit ce dernier en frappant doucement sur l’épaule de son vieil ami, que tu m’as donné d’inquiétude ! Je tremblais qu’il ne te fût arrivé quelque malheur…

Une grosse larme s’échappa de la paupière du marin, et il répondit d’une voix altérée par l’émotion : — Que le ciel vous récompense de votre