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LE GUEUX DE MER

nouveau et de si extraordinaire pour la jeune fille qu’elle se trouva assise presque à la place d’honneur, sans avoir jeté un coup d’œil autour d’elle. Quand elle leva enfin les yeux, elle se vit au milieu d’un demi-cercle de femmes presque toutes âgées, vêtues de robes traînantes et portant de hautes coiffures pyramidales. Aux deux extrémités du croissant étaient assis quelques vieux gentilshommes dont le pourpoint sans bouffes et sans taillades, la haut-de-chausses large et les souliers de drap rappelaient les modes du règne passé.

En face des dames se tenaient debout différents groupes de cavaliers, parmi lesquels on distinguait les militaires espagnols, couverts de soie et de velours. L’or et l’argent brillaient sur leurs habits, et l’acier de leurs armes était aussi luisant que le miroir le mieux poli ; mais leurs regards impérieux, leurs traits fortement dessinés, leur teint basané et leur contenance fière ne pouvaient inspirer que la crainte et l’aversion.

Il y avait aussi dans l’assemblée quelques jeunes prêtres, des officiers de marine, et de riches bourgeois. Ceux-ci s’entretenaient entre eux de politique et d’affaires, et faisaient fort peu d’attention au reste de la société.

Enfin, à l’extrémité du salon, Marguerite entrevit un jeune marin penché dans l’embrasure d’une fenêtre, et dont elle ne pouvait distinguer le visage. De larges pantalons rouges, une ceinture de la même couleur, et une saie ou veste bleue, sans collet et