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coloriés ornaient les fenêtres : tout rappelait d’antiques et de glorieux souvenirs. Mais un profond soupir s’échappa de la poitrine du Belge lorsque, détachant ses yeux de l’image des vieux héros de sa patrie, il les reporta sur ce sombre et farouche duc d’Albe devant lequel il se trouvait.

Repoussant avec une sorte de fureur les dépêches qu’il avait lues, le duc retourna enfin la tête et vit le jeune étranger. Leurs regards se rencontrèrent : ceux de l’Espagnol étaient durs et impérieux ; ceux du Flamand tranquilles mais assurés. Il se tenait debout, la tête haute, la contenance fière et les bras croisés sur la poitrine.

Rarement, dans le cours d’une vie longue et orageuse, Ferdinand de Tolède avait rencontré, même parmi ses égaux, des hommes que n’intimidât point son aspect sinistre. Il frémit d’indignation en remarquant le calme et l’indifférence avec lesquels le jeune Belge soutenait son regard. L’orgueil blessé gonfla ses narines et fit étinceler ses yeux ; mais la réflexion l’adoucit, et, sentant combien lui serait précieux un homme d’un caractère si ferme, il résolut de tout mettre en usage pour se l’attacher.

Prenant donc un air affable et faisant un geste amical : Jeune homme, dit-il, vous connaissez maintenant celui auquel vous avez rendu service ; refuserez-vous de m’apprendre votre nom ?

— Seigneur, répondit Louis de Winchestre, je n’aspire à aucune récompense : permettez-moi donc de vous rester inconnu.