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je trouverai des hommes qui me serviront sans trembler.

Se tournant alors vers le mulâtre qui venait d’entrer dans l’appartement : Don Alonzo, dit-il, où est le brave qui nous a sauvé la vie ?

— Je viens de le quitter, répondit le jeune homme.

— Courez à lui, reprit le duc, et dites lui que je veux le voir. Vous me l’amènerez ici ; allez.

Le mulâtre obéit. Le gouverneur, sans prononcer un seul mot de plus, se leva, renvoya par un geste ceux qui l’entouraient, et alla se mettre devant une table couverte de papiers que les grands écussons et les grands cordons de soie dont ils avaient été scellés faisaient aisément reconnaître pour des dépêches ministérielles. À mesure qu’il les parcourait le mécontentement se peignait sur sa figure, et il répétait souvent à haute voix : Ah las bestias ! los veillacos ! Ils feront tant que la Flandre sera perdue.

Il était encore occupé de cette lecture lorsque le mulâtre revint avec Louis de Winchestre, qu’il avait trouvé dans la salle d’audience réfléchissant aux événements dont il avait été le témoin. En attendant que le duc prît garde à sa présence, dont il ne paraissait pas s’apercevoir, le jeune Flamand examinait d’un œil rapide la salle où il venait d’être introduit. C’était une chambre qui avait été longtemps le cabinet des souverains du Brabant : elle était tendue de velours oriental et décorée de glaces à facettes ; sur les lambris brillaient les armes de la maison de Bourgogne et de celle d’Autriche ; des vitraux