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Le Roi vous a nommé gouverneur sur ma démission expresse et parce que nous croyions les troubles apaisés. De nouveaux complots éclatent, la guerre se rallume : fidèle à mon devoir, je ressaisis l’autorité dont je puis faire seul un bon usage.

— Il faudra m’arracher la vie, s’écria don Juan de la Cerda indigné, avant que je renonce au pouvoir que j’ai reçu de notre maître commun, et que je laisse ainsi blesser mon honneur.

— Si vous ne quittez le gouvernement de bon gré, répondit le duc d’Albe, vous le quitterez de force : ne craignez point, cependant, que votre honneur en souffre ; il n’y a personne qui ne voie qu’étant désarmé, vous n’avez pu tenir contre un homme qui avait les armes à la main et qui disposait de forces si imposantes.

Un regard que le jeune duc jeta autour de lui le convainquit de l’inutilité de sa résistance. Les Belges qui l’entouraient, quoique pleins de haine pour le duc d’Albe, étaient si accoutumés à fléchir devant lui, qu’ils n’eussent osé prendre le parti de son rival. Pour les militaires étrangers, tous préféraient leur vieux général à un chef si jeune et encore sans gloire : ceux même qui avaient accompagné don Juan de la Cerda paraissaient disposés à l’abandonner.

Il se résigna et se soumit à la nécessité inflexible. — Ferdinand de Tolède, dit-il, puisque vous refusez d’obéir aux ordres du Roi, à Dieu ne plaise que par un zèle imprudent j’aggrave encore le malheur de ce pays en armant les sujets de Philippe II les uns